DERNIERES NOUVELLES D’ORIENT
Vous percevrez mieux pourquoi il est recommandé, lorsque ça tremble, de s’abriter sous le chambranle d’une porte !
En réponse aux interrogations formulées, ou non, de tous ceux et celles qui savent que nous pratiquons de “l’évasion fiscale“ en Turquie en séjournant dans des palaces, nous n’avons pas le plaisir de leur parler de cette belle contrée aujourd’hui.
N’ayant pas d’informations supplémentaires sur le séisme du 6 février dernier, autres que celles des médias (à ce jour j’ai dû visionner en temps cumulé 15 minutes d’informations) je me permets simplement d’ajouter que nos quelques amis dans les environs n’ont pas été touchés.
A l’attention de ceux et celles qui s’intéressent encore à ce drame, l’envie m’a pris d’ajouter mes quelques connaissances au contexte contemporain et historique de la zone affectée, entre la vallée de l’Euphrate et le versant Est de l’Amanus, une région faite de hauts plateaux (600 m) et de montagnes culminant à 2900 mètres. Nous la traversons régulièrement, en juin dernier nous avons passé trois jours à Kahramanmaras. La cité, ancienne, est installée sur un contrefort du Taurus dont la spectaculaire invasion des flancs me donne le tournis chaque année quand j’y repasse. Là, sans réels plans d’urbanisme de nouveaux quartiers d’immeubles sont dressés pour y accueillir, venant des montagnes, la population d’un exode rural massif et rapide ; heureusement la plupart ne possède pas d’automobile, ce n’est d’ailleurs pas pour demain.
Quelques informations économiques facilitent la compréhension :
La dévaluation de la monnaie, lors de mon premier séjour en 2005, 1 € valait 2,5 TL, en juin 2022, 1 € égale 18 TL. Le salaire moyen oscille entre 500 et 1000 € pour un cadre, la pension de retraite flotte aux alentours de 200€, et le prix d’un litre d’essence équivaut au notre.
La nuit d’hôtel ** se négocie à 10€ (pour deux, avec p’tit déj), le repas complet pour deux se situe à environ 4€, (tarifs hors zone touristique pour occidentaux)
De la géographie vient l’histoire
L’Amanus au sud et le Taurus au nord formaient une barrière naturelle aux envahisseurs orientaux (Perses, Mongols, Turcomans, Seljoukides) désireux d’accéder aux rivages soyeux de la Mare Nostrum et à la luxuriante plaine de Cilicie, notre zone d’élection où se dressent et se répandent les ruines.
Il fallait franchir quelques cols dont chaque passe était jalonnée de fortifications, parmi celles empruntées par nos “ancêtres“ les Francs pour rejoindre les villes orientales d’Edesse (Urfa) et d’Alep. La plupart d’entre eux n’étant pas rentrés au pays ils n’ont pas laissé une grande descendance… hormis pour les plus argentés, mais les charmes de l’Orient valaient bien ceux d’un bourg du Poitou.
Merci Google earth
Depuis le ciel je me suis penché sur Kahramanmaras. Des images captées le 9 et le 17 février montrent effectivement un bon nombre d’espaces ruinés surtout au sud du château et vers l’ouest, toutefois, et en apparence, il me semble que nous sommes heureusement assez loin du : “la moitié de la ville“, colporté par des médias. Il ne s’agit surtout pas de minimiser l’événement, mais de relativiser ces premiers commentaires d’adeptes du spectaculaire, qui l’oublieraient aussi vite. Cela permet d’interpréter également les témoignages anciens relatant de semblables faits, notamment le grand tremblement de 1114 qui fut un “big one“ selon des rapporteurs contemporains ou postérieurs. Vraisemblablement plus fort, il toucha la même zone étendue à la Cilicie, “en faisant tomber les murailles et les bâtiments de pierres de toutes les villes, particulièrement Kahramanmaras, entièrement ruinée“, les comptes rendus écrits font état de plusieurs dizaines de milliers de disparus. Cruelle période, aux abords de l’an mil en Euphratèse et en Cilicie, la terre aurait été dispendieuse de secousses fatales pour un grand nombre de bonnes constructions grecques et romaines, déjà un peu abandonnées. La chute de certains blocs (de la taille d’une voiture) ne laissait pas beaucoup de chance aux éventuels réceptionnaires. Ruines grandioses et magnifiques abandonnées depuis des siècles ; perchées sur des montagnes difficilement accessibles ou en bord de la route, squattées par les bergers, elles demeurent toujours aussi peu fréquentées.